Coincée sur un des deux canapés du salon entre deux voyous qu'elle ne connaissait aucunement, Kristin grillait une cigarette, bras croisés, air morose. Cette soirée n'avait rien d'extraordinaire et elle s'y emmerdait profondément. Elle n'était pas d'humeur et en voulait en quelque sorte à Thomas d'avoir laissé ces types venir squatter son appart sans qu'elle n'ait eu son mot à dire. Pendant un instant, sa rancune la poussa à songer qu'il aurait pu être marant d'essayer de se faire l'un d'eux pour se venger et mettre Thomas en colère, mais en réalité aucun des garçons qui se trouvaient là, mis à part Thomas, ne valait la peine qu'elle se déshabille. Elle poussa un soupir et une traînée de fumée grisse fila hors de ses narines.

Alors qu'un des garçons misait quelques jetons de Poker, Kristin écrasa son mégot dans un cendrier déjà bien rempli. Le joueur à la droite de Thomas donna une tape sur l'épaule de celui-ci et désigna Kristin du menton. « Tant qu'à inviter ta copine on aurait du jouer au strip poker !», lança-t-il avec un regard grossier et en ricannant. Elle aurait pu répliquer sur le fait que Thomas et elle ne sortaient pas ensemble, mais elle se dit qu'il s'en chargerait et se contenta de lever les yeux au ciel. Pourtant son partenaire de jeux coquins sembla bien rigoler aussi. Sans doute avait-il forcé sur l'alcool plus qu'il ne s'en était rendu compte. Elle choisit donc de se verser elle-même un shooter qu'elle engloutit d'un coup alors qu'on lui en servait déjà un deuxième. Elle ne regarda même pas qui lui tendait et s'en empara pour le vider d'un trait. Rien de mieux pour oublier, que vous briser le coeur de votre meilleur ami jour après jour et que votre meilleure amie commence à en avoir marre de vos immaturités.

L'alcool fit bien tôt son effet et Kristin se sentit d'humeur à faire des bêtises. Elle emprunta le joint d'un des garçons et pris bien soin de remonter sa tunique de façon à découvrir ses cuisses un peu plus lorsqu'elle se rassit dans le canapé, attirant plusieurs regards sur elle.

Elle avait l’air vexée. Normal, pensais-je. Elle était la seule représentante de la gente féminine dans mon appartement, et étais uniquement entourée de mec. Plus précisément de mec qui n’avaient aucunes manières. Pas comme moi. J’avais beau être le pire tombeur de Londres, le plus beau, aussi, je savait tout de même rester galant avec les filles dont je partageais le lit plus d’une fois. L’un des rares principes que ma mère avait réussi à m’inculquer avant de mourir. La politesse et la galanterie sont deux choses qui peuvent ouvrir bon nombre de portes. En l’occurrence, c’est ce qui m’avait permis d’accéder au lit de la jolie brune qu’était Kristin.

Pour l’instant, elle se contentait de griller une blonde, en soufflant sa fumée par les narines. Belle, et rebelle. J’adorais cette fille. Elle semblait si détachée de tout, ce soir. Visiblement en colère contre moi, mais détachée de tout quand même. Elle fumait cigarette sur cigarette, écrasait rageusement les mégots dans les cendriers, ou les laissais tomber volontairement sur la moquette, auréolant cette dernière de brûlure brunâtre. Entre me faire la gueule et cramer mon sol, elle allait vraiment finir par m’énerver, la petite Kristin. Quand le type à ma droite me tapa l’épaule en ricanant qu’on aurait dû faire un strip poker, puisque ma « copine » était là, j’hésitais à répliquer que la brune n’était pas ma girl friend, mais plutôt ma fuck friend. Mais je ne répondis rien, me contentant de rire bêtement avec lui. Manifestement, j’étais plus atteint par l’alcool que je le croyais. Rire à une connerie pareil… Non mais où avais-je la tête ?

Quand je pense qu’a ce même instant, si ces deux squatteurs ne s’était pas pointé à la porte de mon appartement, Kristin et moi serions au lit depuis un moment. Mais les gêneurs s’attardaient… Il était déjà plus de minuit. Alors que je posais une carte sur la table, je vis du coin de l’œil Kristin s’enfiler deux shooters l’un après l’autre, se lever, saisir le joint d’un des mecs, Ethan, je crois, et le porter à ses lèvres. Elle tira quelques taffes, tout en se rasseyant. Elle en profita pour remonter la tunique qu’elle portait, dévoilant un peu plus ses cuisses fuselées. Aussitôt, Ethan et son pote Luke –son prénom venait de me revenir- posèrent leur regards sur le corps de ma Kristin. Une bouffée de jalousie m’envahit, et je m’empressais d’abattre mon jeu sur la table. Je n’avais pas de quoi gagné, mais qu’importe. Si je devais les battre sur un terrain, ce ne serait pas sur celui-ci. Je tendis ma main vers la brunette, qui s’en saisit sans comprendre, et je l’attirais contre moi. Elle était assise en face de moi et buta contre la table basse sur laquelle nous jouions. Je la fis asseoir à cheval sur moi, et commençait à l’embrasser avec fougue. Les deux types nous fixèrent, abasourdis. Ils venaient manifestement de comprendre que Kristin était à moi, et à personne d’autre. Gênés, ils détournèrent le regard, et je lachais les lèvres de la jeune femme. Je lus dans ses yeux l’incompréhension. Je t’expliquerais, Kristin, je t’expliquerais… Elle se lève et s’assois à mes côtés, avant que je passe un bras possessif autour de sa taille. Le jeu continua, et de temps en temps, je déposais un baiser sur sa joue, jouait avec ses cheveux, tirait une taffe sur mon joint, et recommençait mon manège. Au bout de 4o minutes, dégoûtés, ils se levèrent, nous saluèrent vaguement, et se tirèrent.

-Enfin seuls, murmurais-je.

Thomas tendit la main à Kristin, ce qui ne manqua pas d'étonner la jeune femme qui la saisit tout de même sans dire un mot. Alors qu'il tentait de l'attirer contre lui, elle se buta contre la table basse qui se trouvait entre eux deux pour finalement atterrir assise à califourchon sur le garçon qui se mit sans plus tarder à l'embrasser. Elle s'interrogeait sur la raison de ce soudain besoin d'attention, mais s'abandonna tout de même à son étreinte. Tant qu'à jouer les salopes, jouons les biens, on est pas Kristin Thompson pour rien. Après que les potes de Thomas eurent bien eut le temps de voir et revoir leur langue tournicoter l'une contre l'autre comme si la vie des deux jeunes gens en dépendait, le faux couple se lâcha finalement. Dos courbé et tête rejetée en arrière, Kristin lança tout de même un regard légèrement interrogateur à Thomas que lui seul verrait. Cependant, celui-ci l'ignora et l'invita à s'asseoir à ses côtés tout en entourant sa taille de l'un de ses bras pour la garder près de lui.

Elle se tut, attendant de voir ce qu'il manigançait. Elle ne sortait peut-être pas avec Thomas, mais elle le connaissait tout de même assez pour savoir qu'une idée lui trottait derrière la tête à ce moment précis. De temps en temps Kristin piquait le joint de l'adolescent, car elle n'avait rien de mieux à faire pour ne pas trop s'impatienter. Or, un peu plus d'une demie-heure plus tard, les potes de Galliano le saluèrent et partirent encore juste assez sobres pour ne pas oublier de fermer la porte en sortant.

«Enfin seuls» lui murmura Thomas, la faisant frissonner par son souffle qui lui chatouilla l'oreille.

- À ce que je sache, c'est toi qui les as invités, répondit Kristin d'un ton neutre très British.

Elle se leva en se grattant la nuque, puis se mit à faire les cent pas dans la pièce. Elle s'arrêta finalement face à lui, puis avec un haussement d'épaules, elle lui dit : «C'était quoi, ça, tout à l'heure? ... C'est pas ton fort le lèchement d'amygdales devant public d'habitude.»

Alors que Thomas tentait de s'approcher d'elle, la demoiselle esquiva plutôt habilement les bras tendus vers elle, quoi que son pas paraissait peu solide une fois qu'elle se retrouva à fixer le garçon, de l'autre bout de la pièce, en ricanant. Un peu d'alcool fort, un peu de weed, et Kristin en avait déjà assez pour se mettre à faire n'importe quoi et s'amuser d'un rien. Le jeu préféré de Kristin; ne jamais être prévisible. Alors pourquoi s'abandonner tout de suite quand elle avait encore toute la nuit devant elle pour bien faire chier l'autre? Autant rendre les choses plus marrantes avant de le laisser obtenir ce qu'il voulait. Après tout, c'était son tour de n'en faire qu'à sa tête après que l'adolescent eut invité ces idiots sans lui demander son avis. La vengeance est un plat qui se mange après deux ou trois verres et beaucoup de cigarettes.